Posé sur une table en chêne creusée par le temps, un cristal donnait vie aux ombres diffuses du mobilier qui dansaient selon la mesure de la maigre lueur. A côté d'elle était assis un être singulier. fin de corps, de longs cheveux épais recouvraient sa large nuque. Sa peau possédait l'aspect étonnant du marbre blanc, ce qui lui donnait l'apparence d'une authentique statue vivante. Son visage inspirait la dureté : un nez épaté, une bouche étroite aux lèvres fines, clairement dessiné, des yeux semblants perpétuellement froncés. Malgré ce physique austère, il accordait un soin minutieux à l'élaboration d'un arcane mystérieux, à base de glyphes étranges.
Enfin, lorsqu'il eut terminé sa besogne, il se leva le plus lentement du monde, et se dirigea vers la seule fenêtre que possédait la masure.
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La nuit avait étendu son voile noir sur le monde, la nature et les hommes s'étaient endormis, les étoiles scintillaient de mille éclats au-dessus du ciel sans nuage, et la lune gibbeuse semblait aussi pâle que la peau d'un vieillard cacochyme. Au loin, du haut d'un arbre à la frondaison frémissante, parvenait ponctuellement le ululement caractéristique de quelque oiseau nocturne et, protégés sous l'herbe grasse de la prairie environnante, des grillons frottaient leurs élytres et entamaient leur chant nuptial. Parfois un loup hurlait à la lune la mélancolie de ses frères de meute disparus, massacrés par les Hommes.
Dorkanis tendit l'oreille pour écouter sa plainte déchirante et il sentit son coeur se serrer. Il savait ce que ressentait le loup. Il pouvait s'identifier à lui, car il était rongé du même mal. Les Hommes avaient fini par exterminer sa race, les Hauts elfes meutris, après des décennies de persécutions et de guerres trop rarement parsemées de trêves éphémères. Dorkanis était désormais l'un des seuls survivants. Témoin d'un peuple autrefois florissant et paisible... Jusqu'au jour où l'orgueil, la concupiscence, la haine et la jalousie des Hommes se tourna vers eux.
Venus des contrées situées dans l'inclusion des continents, las du climat trop froid et de leurs forets peu propices à la convoitise, les ancêtres de ces mêmes Hommes étaient montés vers Quel'Thalas pour corrompre le puits solaire. Méfiants de nature, ils envoyèrent une délégation à notre rencontre; « les Créatures d'Airain » c'est ainsi qu'ils nous nommérent, à cause de l'étonnante couleur de notre peau, bien différentes de nos cousins elfique. Malgré le barrage de la langue, l'alliance des peuples des grandes terres ne voulut nous aider face a cette attaque.
Dorkanis se rappelait le témoignage de son arrière-grand-père, transmis de génération en génération, et parvenu intact jusqu'à lui, de la bouche même de sa regrettée mère. Il disait combien sous le joug de Kael, le prince dit Arthas avait semé terreur et destruction. Son armée de morts et de corrompus apparaissaientt sous le soleil. Leurs peaus étaientt blanfardes comme le jour d'une nuit sans lune. L'ancêtre de Dorkanis avait également remarqué la méfiance furibonde qui pouvait se lire dans les yeux de certains d'entre eux. Un regard presque de haine aurait-il juré.
Le massacre eut lieu, pauvre de nous, beaucoup d'entre nous sacrifiés pour stopper l'ennemi. Notre peule vécut alors la période la plus noire de son existence. Quelques heures avaient suffi pour faire baisser de moitié notre population totale. Peu à peu les survivants avaient fini par se retrancher face l'ennemi, les terres qui les avaient vus naître, meme la forêt environnante, tout avait un goût de mort. Mais cela n'avait pas suffi à apaiser la folie d'Arthas qui continuèrent à pourchasser sans répit les derniers entre nous, à meme parcourir le monde pour les retrouver.
De ce jour, les survivants du massacre décidèrent d'entamer un long voyage à la recherche d'un nouveau territoire où ils pourraient recommencer à vivre en paix.
Mais le spectre de la mort s'était agrippé à eux et les poursuivait inlassablement, invisible comme l'air et furtif comme le vent. Il frappait sans crier gare, en prenant d'innombrables formes, mais toujours il enlaçait sa victime en une même étreinte glaciale avant de lui ôter la vie.
L'exil arriva au bohneur des derniers survivants, l'outreterre nous attendait.
A l'aube de notre ére, ayant tiré les leçons de leur échec, les elfes de sang reprirent le chemin sanglant de la guerre, mieux préparés et mieux équipés.
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De si tristes souvenirs..., songea Dorkanis. Il en éprouva un goût saumâtre dans la bouche, un néant dans son coeur. Tout était perdu. Dehors, la plainte du loup s'était tue. Il se détacha de la fenêtre et se dirigea vers la table où il avait laissé une étrange mixture stagnant dans un bol. Il la fixa un long moment pour finalement émettre un long soupir.
Il s'en empara et but lentement jusqu'à la dernière goutte.
Il reposa lentement le bol, et s'approcha lentement d'un vieux lit plongé dans l'ombre au fond de la pièce. Il s'y allongea lentement à plat dos et ne fit plus un geste.
Dorkanis et ses compagnons survivants avaient entamé un long exode dans l'espoir de sauver leur peuple. Mais tous avaient péri. Ce soir le voyage s'achèverait bien, mais la destination serait différente. Ce royaume, aucun Homme ne pourrait venir les y chercher, ni même leur faire de mal. A présent il était temps pour Dorkanis de rejoindre les siens.
Il sentait les premiers effets du breuvage opérer sur son organisme. Une profonde fatigue s'insinua en lui, ses paupières s'alourdirent, ses muscles noueux se détendirent. Les portes du royaume s'ouvraient à lui. Son esprit s'apaisa et ses yeux se fermèrent tout à fait.
Lentement, toujours lentement, les douces vapeurs du sommeil l'enivraient, et il se laissa succomber délicieusement. Un néant chaleureux l'accueillit, puis le rêve survint. Il se trouvait au milieu de tout ce qu'il aimait : sa famille, ses amis, son peuple, sa terre.
Puis il y eut l'apparition d'Illidan,
« -Va mon enfant, sers la cause de ceux dont les reves conduiront à l'équilibre de ce monde, et puise ta force au sein meme de tes ennemis.
-Va et venge tes fréres et soeurs, tu ne seras pas seul dans ce périple. Tes meilleurs compagnons seront ceux qui comme vous tous ont été trahis par la folie des hommes............ »
Ce fut l'ultime songe de la dernière nuit d'été, avant que Dorkanis ne se réfugie dans le royaume... Le royaume des reves et demain commencera sa quete de la vérité.
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Dorkanis
